Avec un nouveau bâtiment d’infrastructure, le bureau lausannois Localarchitecture transforme un terrain de football en lieu public, un projet qui lui a permis de décrocher le Lièvre bronze en Architecture.
La plupart du temps, les terrains de football font l’effet d’une morne plaine. Ils se trouvent typiquement en zone industrielle, près de bretelles d’autoroutes, ou ailleurs en périphérie. Le FC Venoge, l’association de football des communes vaudoises de Penthaz, Penthalaz et Daillens, joue en bordure de village. À Daillens, une ruelle sépare le terrain de football des dernières maisons. À côté, il y a le cimetière. Pourtant, on note ici une différence: depuis ce terrain, la vue ne donne pas sur des façades industrielles ou sur des murs anti-bruit, mais s’étend sur un vaste paysage constitué de champs, de pâturages et de bosquets. Au loin, dans une brume mystique, s’élèvent les collines du Jura.
Situé dans le district du Gros-de-Vaud, le village disséminé de Daillens est connu pour être le grenier à blé du canton de Vaud. Certes, pour son millier de villageois, l’agriculture a perdu de son importance ces dernières décennies; aujourd’hui, nombreuses sont les imposantes fermes de pierres qui servent à d’autres fins. Mais les demeures historiques, les rues étroites et sinueuses et les jardins potagers d’antan continuent à marquer de leur empreinte l’atmosphère de Daillens. Le bureau lausannois Localarchitecture a donc fait preuve du plus grand soin en intégrant dans ce paysage le nouveau bâtiment d’infrastructure du terrain de football.
Plus qu’une infrastructure
Après le rattachement direct au village de l’ancien bâtiment des vestiaires du FC Venoge, il a fallu, par égard pour les voisins, déplacer le nouveau bâtiment tout au bout du terrain: un coup de chance pour le projet, comme l’estime l’architecte Laurent Saurer. À l’instar de la grange voisine, le long bâtiment de bois se dresse dans le paysage, solitaire et sûr de lui, et marque la frontière entre surface bâtie et campagne environnante.

L’architecture va droit au but. Surélevée de trois niveaux par rapport au terrain, une plateforme de dalles en béton forme une base robuste destinée à recevoir des chaussures de football sales. Le bord de la plateforme sert de banquette pour spectatrices et spectateurs, et le vaste toit de tôle ondulée reposant sur des chevrons en bois apparent les protège de la pluie – un modeste confort qui devrait attirer à l’avenir plus de public aux matchs.
Le plan d’utilisation de l’espace comprend quatre boxes alignés sur la plateforme: des WC publics à une extrémité du bâtiment, une salle pour le club local de pétanque à l’autre bout et, entre-deux, des vestiaires pour les équipes et les entraîneurs, un local sanitaire et un autre pour le matériel. La buvette se trouve au centre, dans un grand espace extérieur couvert où, après des matchs âprement disputés, les équipes et leurs fans réconciliés peuvent trinquer ensemble. Des manifestations organisées par des tiers peuvent aussi s’y tenir. «Daillens est un petit village – des structures polyvalentes y sont particulièrement utiles», déclare Laurent Saurer. Cet ouvrage d’infrastructure est en effet aussi un bâtiment public. Pour cette raison, en concevant sa forme, Localarchitecture n’a pas seulement pensé à sa fonction utilitaire, mais a aussi tenu compte comme il se doit de sa dimension de représentation.

Le toit de tôle ondulée, dont la courbe élégante encadre ce qui se passe sur le terrain, fait un grand geste. La plateforme de béton compte parmi les éléments plus subtils: située le long de la façade arrière orientée sur le soleil couchant, elle offre une banquette de bois qui ouvre la vue sur le paysage. Mais la grande force de l’ouvrage réside dans la construction et dans l’architecture locale – ‹Localarchitecture›: le nom reflète bien la mission de ce cabinet d’architectes, qui s’est développé à partir des réalités locales.
Un bâtiment qui parle de lui-même
Les excavations et le recours au béton ont été réduits à un minimum: de simples semelles de fondation portent le caillebotis destiné à la plateforme et les cubes chauffés. En atelier, le charpentier a préfabriqué ces cubes sous forme d’éléments de bois pour y insérer des bottes de paille qui servent d’isolant. Des tiges de paille poussaient dans les champs environnants; les paysans de la région les pressaient pour en faire des bottes de 47 cm de large, de 37 cm de haut, et de 80 à 120 cm de long. Mais comme les machines modernes produisent des bottes de paille beaucoup plus grandes qui sont inutilisables pour l’architecture, on a fait appel à d’anciennes machines: un effort qui a nécessité un petit travail de persuasion et qui a coûté quelques verres de vin.

Construction de façade: coupe transversale de la buvette
1 Semelle de fondation en béton local, 2 Poutraison en mélèze, imprégné sous pression, 100 × 240 mm, 3 Dalles de plancher en béton, préfabriquées, 4 Support en bois lamellé épicéa / sapin, 100 × 260 mm, 5 Chevrons en bois lamellé, épicéa / sapin, 100 × 240 bis 360 mm, 6 Plaque à trois couches en épicéa, 19 mm, sur lattage, 40 × 40 mm, 7 Élément de bois avec isolation en bottes de paille, 360 mm, recouvert à l’extérieur de membrane de façade ouverte à la diffusion, 8 Revêtement de façade en mélèze, imprégné sous pression, ventilé, 9 Isolation de toiture en Gramitherm, 240 mm, entre les chevrons, 10 Panneau de fibres de bois, 60 mm, recouvert de membrane de sous-toiture, 11 Lattage, 60 × 140 mm, 12 Toit en tôle, 13 Panneaux photovoltaïques
À intervalles de trois largeurs de bottes de paille, des supports en bois lamellé situés à l’extérieur portent les chevrons et rythment la façade. Des étriers soutiennent le large avant-toit en porte-à-faux et confèrent à la construction une véritable expérience spatiale. Provenant de la forêt locale, le bois de mélèze imprégné sous pression recouvre les façades, les fentes de ventilation nécessaires ayant été conçues comme un motif d’écailles. Laurent Saurer mentionne une «architecture pédagogique»: le bâtiment ne trompe pas le spectateur – il parle de lui-même.
Cette règle s’applique aussi pour l’intérieur. Les éléments de bois dans les vestiaires sont restés visibles. Jusqu’à la hauteur de la tête, un doublage peint en bleu ou en vert protège les panneaux OSB bruts dans leur double fonction de finition des éléments et de pare-vapeur. Le comptoir du bar est fait de restes du toit en tôle. Ici, les murs et les plafonds sont recouverts de plaques à trois couches, ce qui est certes moins pédagogique, mais qui souligne l’importance de ce lieu convivial. Une échancrure dans le mur en forme de ballon de football donne un aperçu de l’intérieur isolé avec de la paille.


Alors qu’il vient d’emménager, le FC Venoge se sent déjà comme chez lui à la buvette. Petit à petit, ce lieu nouvellement créé devrait aussi offrir des services à la population. À partir du faible volume de matériaux d’excavation, à côté du bâtiment, la commune veut réaliser un paysage de collines avec une place de jeux. Des appareils de fitness utilisables gratuitement sont également envisagés. Du côté opposé du terrain, on trouve encore aujourd’hui l’ancien bâtiment des vestiaires, ainsi qu’une petite bibliothèque qui sera bientôt déplacée au centre du village. Ensuite, ces bâtiments simples devraient céder la place à un jardin du village sous des arbres fruitiers. Ainsi, à partir d’un ouvrage d’infrastructure monofonctionnel, c’est peut-être une plaque tournante de la vie publique à Daillens qui verra le jour, tandis qu’un morne terrain de football sera transformé en biotope social.

L’avis du jury
Léger et durable
Le bâtiment de vestiaires doté de surfaces de stockage et d’utilisations annexes sous un large toit est un type qu’on a déjà vu de manière répétée ces dernières années. Mais aucun d’entre eux n’est aussi léger et joyeusement coloré que celui-ci. Le toit ondule avec grâce, la façade est intelligemment assemblée et ventilée avec les lattes inclinées. De plus, le bâtiment de bois isolé avec des bottes de paille réalisé par Localarchitecture place la barre très haut en matière de construction à faibles émissions. Durabilité et plaisir se conjuguent de manière ludique.
Installation sportive de Daillens, 2024
Maîtrise d’ouvrage: commune de Daillens
Architectes: Localarchitecture, Lausanne / Zurich
Statique construction bois: Cambium Ingénierie, Yverdon-les-Bains
Statique construction massive: 2M Ingénierie Civile, Yverdon-les-Bains
Planification de la domotique: Energa, Yverdon-les-Bains / Lausanne
Type de mandat: concours, 2020
Localarchitecture
En 2004, Antoine Robert-Grandpierre (à gauche), Manuel Bieler et Laurent Saurer (à droite) ont fondé le bureau Localarchitecture. En se laissant guider par les réalités locales dès la conception, ils se livrent à une longue réflexion sur le thème de la construction en bois. À l’heure actuelle, Localarchitecture emploie 25 collaboratrices et collaborateurs à Lausanne et Zurich. Depuis début 2024, Laurent Saurer (53 ans ) et Antoine Robert-Grandpierre (52 ans) dirigent à deux le cabinet d’architecture.