Faire éclore un jardin

En dix ans, la Regionale 2025 a soutenu quelques projets sociétaux et culturels. Ils renforcent l’identification avec la vallée de la Limmat.

Fotos: Markus Bertschi
En collaboration avec Regionale Limmattal, Canton d'Argovie, Canton de Zurich

En dix ans, la Regionale 2025 a soutenu quelques projets sociétaux et culturels. Ils renforcent l’identification avec la vallée de la Limmat.

Les projets sociétaux et culturels n’ont a priori pas beaucoup à voir avec l’aménagement du territoire. Cependant, dans une région dynamique comme la vallée de la Limmat qui connaît une croissance rapide et des mutations profondes et où vivent et s’installent de nombreuses personnes, la cohésion sociale est centrale. Les instruments classiques d’aménagement territorial se penchent peu sur la question. C’est pourtant sur cette voie que s’est engagée la Regionale 2025: les citoyennes, les associations, les hautes écoles, les villes, les communes et les cantons ont conçu, soumis et mis en œuvre des projets. La plupart des idées émanent de personnes engagées et dynamiques. Le secrétariat de la Regionale 2025 a mis en relation des acteurs culturels et des initiatrices de projets, leur a offert une plateforme et prodigué au besoin des conseils. Il a donné un coup de pouce dans la recherche de fonds ou facilité l’accès aux autorités. Comme dans un jardin, il a cultivé des projets existants, planté des jeunes plants et semé des graines de fleurs. Au total, il a accompagné et fait éclore 36 projets. Au-delà des catégories renouvellement et espace non bâti, celle du vivre-ensemble regroupe à elle seule près de la moitié des projets.

Bains ‹zum Raben› et fontaines chaudes

Les deux fontaines publiques d’Ennetbaden et Baden sont aujourd’hui célèbres dans toute la Suisse: on peut s’y baigner gratuitement dans une eau naturellement chaude. Les baignades nocturnes clandestines des débuts ont laissé place à deux bassins libres d’accès. Forte de quelque 800 membres, l’association Bagni Popolari a aussi redonné vie aux bains historiques ‹zum Raben› et propose un intéressant programme culturel combiné aux plaisirs du bain. L’association entend préserver la culture du bain vieille de 2000 ans plutôt que la culture des thermes: la baignade comme activité collective en plein air, qui renforce les échanges et la cohésion, plutôt que la tradition des bâtiments prestigieux, comme le souligne le co-président Andreas Rudow. Les habitants mènent leurs hôtes aux fontaines chaudes parce qu’ils s’identifient aux bassins publics qui fournissent les eaux thermales, un bien public. La Regionale 2025 a contribué à persuader les élues locales du bien-fondé des projets de l’association Bagni Popolari.

Lieux de silence. Lieux d’écoute.

L’artiste sonore Andres Bosshard ouvre les yeux … et les oreilles. Depuis 15 ans, il guide son public jusqu’à des coins insolites de la vallée de la Limmat pour des promenades d’écoute et modifie la perception de lieux familiers. «L’abbaye et l’école cantonale de Wettingen sont submergées par le bruit de l’autoroute», explique-t-il. La vallée de la Limmat est, déplore-t-il, mitée par de grandes infrastructures, mais chaque commune reste focalisée sur elle-même et c’est encore pire dans l’administration, où chaque discipline est en silo. «Il manque une vision.» Les promenades d’écoute renforcent l’identification de la population avec son cadre de vie. Elles suscitent aussi la volonté de créer, car personne ne s’engage pour des lieux inconnus. Les objectifs d’Andres Bosshard coïncident avec ceux de la Regionale 2025, qui a œuvré à faire connaître le thème auprès de l’administration et de la population. Le projet a bénéficié du soutien de la Confédération dans le cadre des projets-pilotes pour un développement territorial durable.

Carrousel culturel

Le public le plus exigeant n’est pas assis bien calé dans son siège à l’opéra de Zurich, mais par terre au centre familial Karussell, à Baden. Si le spectacle n’offre pas assez de variété, peu de suspense ou si le contenu est trop compliqué, le public auquel s’adressent Petra Gerster et Alma Jongerius – des enfants en bas âge – chahute ou file à quatre pattes. Rares sont les lieux qui offrent à cette clientèle un accès facilité aux représentations de théâtre, de musique et de danse, c’est pourquoi ce projet a une large résonance dans la vallée de la Limmat. Les parents sont des Suisses de longue date, des salariés expatriés d’ABB, d’Alstom ou de General Electric jouissant de hauts revenus comme des personnes ayant de faibles moyens. Les adultes font vite connaissance grâce aux activités guidées. Les enfants se comprennent, peu importe leur niveau de langage et la langue qu’ils utilisent à la maison. Le ‹Kultur-Karussell› a été sélectionné pour la Regionale 2025 pour son approche exemplaire et son rayonnement au-delà de Baden et est soutenu dans sa communication.

Chansons de la vallée de la Limmat

Peu de temps après l’ouverture du Shoppi Tivoli, Christian Fotsch enfourcha son vélo de course Mondia doré et passa le Heitersberg pour aller s’offrir une glace à l’italienne dans le centre commercial. C’est ainsi qu’il découvrit la vallée de la Limmat pour la première fois, à l’âge de dix ans. Comme son vélo, la croissance démographique dans la vallée avait établi un nouveau record de vitesse. La Regionale 2025 a mis l’artiste en relation avec des écoles. Avec les enfants, il écrit des hymnes locaux et raconte au passage la genèse de la musique qui sort des enceintes. Une prestation devant les familles est naturellement prévue: «L’attachement à la région se renforce au fil des rencontres.» La Regionale 2025 a sélectionné le projet, parce qu’elle est convaincue que la musique et la danse favorisent l’identification à la vallée de la Limmat.

Pischte 52

Grâce au tram de la vallée de la Limmat, un tronçon à cinq voies de la Badenerstrasse à Schlieren a été soustrait au trafic. La population a pu tester toutes sortes d’activités avant que ce bout d’asphalte ne soit converti en parc. Environ 70 projets ont été réalisés, un tiers conçu par des sociétés, un tiers par l’administration, un quart par des associations et un dixième par des particuliers: un marché d’automne, un cirque, des danses, un rassemblement de voitures avec un stand café, un festival thaï, un lounge éphémère durant trois semaines avec de vieux canapés, un repas de midi pour motards, du foot de rue ou une plage urbaine avec 80 tonnes de sable. La ville a mis à disposition l’infrastructure avec des sièges, des points d’eau et d’électricité. D’un magazine spécialisé viennois à une publicité pour la plus grande boutique en ligne de Suisse, le projet a joui d’une grande visibilité. Mais la commune a été forcée d’annuler certaines activités en raison de plaintes. Selon Daniel Dormann, chef génie civil de la ville de Schlieren et responsable du projet, la débauche d’énergie a été considérable: de nombreux participants ont sous-estimé le travail d’organisation et eu besoin d’aide, les taux d’activité de 10 % prévus pour le projet étant loin d’être suffisants. Daniel Dormann est pourtant convaincu que l’effort en vaut la peine, car la participation de la population à l’aménagement de la rue la lie davantage à son lieu d’habitation. Plus d’audace, de moyens financiers et d’animation socioculturelle auraient sans doute suscité plus d’initiatives citoyennes.

Art Flow

Mandaté par la ville de Zurich, Christoph Doswald est commissaire de l’exposition d’art régionale ‹Art Flow› qui se développe progressivement et regroupe environ 30 œuvres locales. Des artistes locaux, nationaux et internationaux attirent un public amateur d’art sur des lieux disséminés dans toute la vallée de la Limmat. ‹Art Flow› promeut ainsi le dialogue entre l’art et la société dans la région. L’artiste Michel Comte a, par exemple, créé avec des élèves une installation sur le thème de la durabilité lors d’une semaine de projets dans la forêt de Dietikon. Bon nombre de ces jeunes, jusque-là peu sensibilisés à l’art, ont découvert la production artistique de manière concrète et approfondie. Une autre manifestation est accueillie au Shoppi Tivoli: on ne saurait imaginer meilleur endroit que ce symbole de Spreitenbach et du territoire de la Limmat pour exposer les photographies de la vallée prises par Jules Spinatsch. Le temps de l’exposition, on explore la région sans quitter le plus grand centre commercial de Suisse.

Bilan

Grâce aux projets de la Regionale 2025, les habitants de la vallée de la Limmat se sont connectés, ont découvert et sondé des lieux et appris à les connaître. Des retours des responsables de projet, il ressort que la Regionale a renforcé la perception de la vallée comme un espace d’un seul tenant, l’identification à la région ainsi que la cohésion sociale. Ce succès est celui de personnes qui se sont engagées avec enthousiasme pour la vallée de la Limmat, leur ville, leur commune ou un projet. Daniela Hallauer et Peter Wolf, du secrétariat de la Regionale 2025, jouent un rôle central, en conseillant, facilitant, soutenant, encadrant et diffusant. La Regionale s’achève en 2025 par une présentation des projets organisée de mai à octobre, mais de nombreuses initiatives suivent leur cours. Le jardin dont Daniela Hallauer et Peter Wolf ont pris soin pousse et germe. Pour renforcer la qualité du cadre de vie dans la vallée de la Limmat, il faudra également, une fois la Regionale 2025 achevée, que s’impose la volonté politique de dépasser les limites urbaines, communales et cantonales et de développer et garantir ensemble des qualités spatiales.
 

 

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